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                     Où se mêlent con et pensée


La mode parcourt la gens féminine comme le frisson le corps.
Ce phénomène vient régulièrement secouer ces beautés, mises en émoi jusqu'à pamoison.
De ces secousses systémiques qui transportent d'aise ces petites biches, grosses vaches, morues,  souris, chiennes, poules et autres oies d'une basse-cour gloussante, caquétante, roucoulante et froufroufrante à qui mieux mieux, il en est une particulièrement insistante qui m'intriguait plus que de coutume, à m'en irriter vraiment, avant que la raison ne vienne enfin éclairer mon esprit et soulager ma tension.
Il s'agit de ces chaussures "escalators", dites "à semelle compensée", sortes de millefeuille d'une épaisseur exacerbée, quasi-dalienne (dalienne : qui relève de la
nature surréaliste et délirante de l'oeuvre de Dali), dont la fonction consiste à colporter bien haut dans nos rues les espoirs des jolies poupées d'être remarquées et distinguées de tous.


C'est qu'aujourd'hui, le modèle féminin dominant, ce fameux mannequin ou "top model", l'est aussi, l'est d'abord au sens propre du terme.
Certes, le mannequin est cette greluche plate comme une limande qui défile, débile,
de cet air morne ou arrogant qu'elle croit supérieur quand il n'est que constipé, sinistre ou puant, mais, et c'est là tout le sel de la chose, sur un podium. Au vu et au su de tous. La cible de tous les regards, de toutes les envies.
Au-dessus du vulgum pecus, la proie de tous les flashes. Au top.

Ainsi juchés au-dessus du lot, ce sont ces bécasses qui, remplissant plus que de raison les pages des magazines, féminins et autres, donnent le la de la société des femmes.
C'est donc ce monde qu'une jeune fille devra intégrer et vivre pour être reconnue,
pour exister comme femme.
Pour exister.


La potiche n'existe que si elle est mannequin.
Voilà pourquoi tant de filles aspirent aux tréteaux de la mode, à l'instar des Claudia, Naomi, Linda et autres garces du sommet de cette échelle, promotionnées comme des lessives au profit du capital, mais là n'est pas l'ébat.
Recalées des tréteaux, les aspirantes mannequins refoulées conjurent leurs espoirs,
leurs échecs, en se juchant d'elles-mêmes sur une tribune, ces fameuses semelles qui compensent la perte de l'être.

Les semelles compensées font fureur chez les nunuches parce qu'elles veulent toutes monter sur le podium.
Et l'on constate que plus notre société porte les mannequins aux nues, plus augmente la hauteur de semelle de leurs égéries!
Ne cours pas, camarade pétasse, tu vas te casser la gueule jolie!


Chaudes mignonnes, descendez de vos escabeaux d'où vous ne risquez que de vous tordre la cheville.
C'est en nous prodiguant douceurs, gâteries, et autres clintoneries dont nous sommes si friands que  vous vous grandirez à nos yeux. Et nous de même.


                                                           François Dor,
                                                               Grèce
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